" Je veux faire un beau cadeau à l'humanité. Je ne fais pas cela uniquement pour moi. Je veux préserver une certaine forme de culture du quotidien." Bernhard Paul.

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dimanche 9 octobre 2011

Thierry Fééry, la voie Loyal d'un saltimbanque d'adoption


Au moment de fouler la piste, il mesurera, c'est certain, le chemin parcouru. Samedi, Thierry Fééry endossera pour la 25e fois le costume de M. Loyal de la Grande Fête lilloise du cirque. Un événement avec lequel a fini par se confondre ce quinqua accro au spectacle, que ses pas ont mené vers le théâtre, la radio, le cabaret, sans l'éloigner jamais des chapiteaux.

PAR SÉBASTIEN BERGÈS / lille@lavoixdunord.fr PHOTO PHILIPPE PAUCHET

Un homme traverse le Champ de Mars, surveillant par-dessus son épaule le travail des grues. « C'est pas la tenue d'apparat », s'excuse Thierry Fééry, bermuda et polo, en tendant la main. Sans sa livrée chatoyante, on a bien failli ne pas le remettre. Mais même en tenue de randonneur, le verbe demeure. Une faconde de bateleur. Évoquez le chapiteau en cours de montage, et le voilà lancé dans une diatribe enthousiaste.
« Ce que vous voyez là est unique », vibre Thierry Fééry, décrivant avec ardeur « ces deux arches permettant la vision à 360° », « la disparition des mats », « un vrai Zénith de 2 300 places », on en passe. Mais attention, « on ne tue pas la toile », s'empresse-t-il d'ajouter, en bon gardien du temple. Le cirque, c'est sa deuxième maison. Son port d'attache, tout au long d'une carrière à embranchements multiples : meneur de revue, directeur de théâtre (le Sébastopol, pendant dix ans), animateur radio (sur RDL, qu'il a rachetée en 2006)...
La dernière aventure a fait long feu. Le Prestige Palace, avenue du Peuple-Belge. Un « mini-Moulin rouge », avançait-il à l'inauguration, en 2008. « Je me suis terriblement ennuyé, avoue-t-il aujourd'hui. Je n'ai pas pris de plaisir. Quand on a connu la scène, on en a besoin, on veut du grisant. Là, j'avais l'impression d'être dans le public. » Les coulisses sont trop étroites pour ce boulimique, homme de spectacles autant que d'affaires, habitué à arpenter les deux côtés du miroir. Moins de trois ans après l'ouverture, il cède l'affaire.
Tant pis pour les investissements et les espoirs initiaux. « Je me suis trompé », reconnaît-il. Le Palace, c'était une aventure en tandem, avec son épouse, ex-danseuse et chorégraphe. Un pas de deux qui ne s'arrête pas pour autant. Sous le chapiteau du Champ de Mars, Emmanuelle reste les yeux et les oreilles de son époux, qui n'échangerait pour rien au monde la place qui est la sienne depuis un quart de siècle. À la croisée de projecteurs.
La piste, au moins, ne l'a jamais déçu. « C'est l'authenticité, affirme cet émule lillois de Roger Lanzac. Ce sont des gens entiers, qui brillent pendant dix petites minutes, chaque jour, au prix d'efforts énormes. L'à-peu-près est impossible au cirque. » Comme lorsqu'un dresseur de 11 ans se risque au milieu de quatre éléphants, l'une des performances de cette année. Thierry Fééry aura-t-il un pincement au coeur en annonçant le petit prodige ? En 1987, lors de la première Grande Fête lilloise du cirque, il avait présenté le numéro du grand-père. Un dresseur de fauves.
Cette année-là renaissait l'ancien cirque de La Voix du Nord. En 1986, le journal mettait fin à cet événement, organisé trente ans durant sur le site de la Foire internationale (le long de l'actuel boulevard Hoover). Jean-Pierre Panir, figure tutélaire du spectacle, ne se résout pas à la mort de son bébé. Avec la complicité d'un nouveau venu, Thierry Fééry, et du clown Tico (alias Pierre Meurisse), il étrenne un an plus tard un nouvel écrin : le palais Rameau.
M. Loyal a alors 25 ans et une licence d'allemand en poche. Père transporteur routier, mère commerçante : rien d'un enfant de la balle. Une vocation circassienne ? Même pas. Mais une certitude, partagée tôt par sa mère : « Il est né avec un micro dans la main. »
Guy Lux ou rien
Chez ce saltimbanque d'adoption, le virus du spectacle a frappé avant celui du cirque. L'ancien élève à l'école de la Providence de Wambrechies se rappelle les boeufs dans le bus lors des sorties à Bray-Dunes, lui au chant, soeur Claire-Elizabeth à la guitare. Le futur producteur d'Annie Cordy fera ses classes en montant des spectacles de marionnettes pour les gosses du quartier, en jouant les animateurs durant l'été. Et après, il faudra bien chercher un métier, espère son paternel. « Pour lui, il fallait vivre de ses mains, à moins d'être Guy Lux ou Michel Drucker pour vivre de son micro », raconte Thierry Fééry, lui-même père de deux enfants. Il résume, avec des accents de self-made-man : « Je n'ai été aidé par personne. J'ai beaucoup travaillé. L'essentiel, c'est le feu sacré. » Pour quelqu'un qui « n'aime pas les rétroviseurs », il n'est pas peu fier de son parcours. Le succès de la Grande Fête, sise au Champ de Mars depuis 2002, ne s'est jamais démenti. « Il y a vingt-cinq ans, j'allais à Monte-Carlo faire mon marché. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Et je fournis une grande partie de mon programme à Patrick Sébastien. » Et ne lui parlez pas de limite d'âge. Ne postule-t-il pas que « l'infini, au cirque, n'existe pas » ? •
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